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LA GENETIQUE DE L'AUTISME

Article informatif avec Marion Leboyer Grand Prix INSERM 2021

Richard Delorme et Thomas Bourgeron


Il se peut que dans l'année le lien ne soit lisible que pour les abonnés.

Nous le rajoutons ci dessous pour que ce soit lisible de tous :

Les troubles du spectre autistique se caractérisent par des troubles majeurs de la communication sociale et du développement du langage, accompagnés par des intérêts restreints et des comportements stéréotypés. Des déficits dans ces trois domaines émergent avant l’âge de trois ans. Les nombreuses études familiales et de jumeaux ont montré que des facteurs génétiques sont impliqués dans les troubles du spectre autistique. On estime que si, dans une paire de jumeaux, l’un des deux est autiste, le second présente un risque de 60 à 90 pour cent de l’être également s’il s’agit de vrais jumeaux, contre 10 pour cent si ce sont de faux jumeaux. Par ailleurs, les troubles du spectre autistique sont associés à de nombreuses maladies génétiques.

Ainsi, plusieurs syndromes génétiques (plus d’une centaine) sont fréquemment identifiés chez des patients ayant un trouble du spectre autistique, et, inversement, les patients ayant ces syndromes ont souvent des symptômes autistiques. Le syndrome de l’X fragile est le plus fréquemment associé ; il se caractérise par un retard mental plus ou moins prononcé, un déficit de l’attention et de la concentration. On retrouve souvent une mutation du gène FMR1 chez les patients qui présentent aussi un trouble du spectre autistique. De même, les caractéristiques cliniques des patients ayant un syndrome d’Angelman, souvent dû à une délétion ou une inactivation de gènes localisés sur le chromosome 15 hérité de la mère, ou un syndrome de Rett, dû à une mutation du gène MECP2, rappellent les symptômes des personnes ayant un trouble du spectre autistique.

Les efforts réalisés ces dernières années ont permis d’identifier de nombreux gènes conférant un risque élevé d’avoir un trouble du spectre autistique. Le nombre de tels gènes associés augmente de façon exponentielle (219 gènes à ce jour), mais seuls quelques-uns seraient réellement impliqués. L’absence de marqueurs biologiques sensibles et spécifiques des troubles autistiques complique parfois le diagnostic en raison des risques de confusion avec d’autres maladies génétiques, d’autant qu’un retard mental marqué est diagnostiqué chez environ un patient sur deux si l’on considère l’ensemble du spectre. Dès lors, on ne sait pas toujours si l’anomalie génétique est impliquée dans le déficit intellectuel ou dans l’autisme, ou dans les deux.

Mutations et variations du nombre de copies de gènes

Les premières mutations ont été identifiées dans le gène NLGN 4X codant la protéine neuroligine impliquée dans la synthèse de molécule d’adhérence synaptique. Elle participe à l’assemblage des différents éléments constituant une synapse (voir l’encadré page 48). Notre équipe a identifié dans le chromosome X de patients atteints une mutation délétère dans le gène NLGN 4X qui produit alors une neuroligine tronquée. Dans le cas que nous avons étudié, cette mutation est apparue chez une mère non atteinte, et a été transmise à ses deux enfants, l’un ayant un syndrome d’Asperger, l’autre un autisme associé à une déficience intellectuelle.

Peu après, une autre équipe a identifié une mutation similaire dans une famille où plusieurs garçons étaient atteints. L’implication des protéines participant à l’architecture des synapses dans l’apparition d’un trouble du spectre autistique a ensuite été confirmée par l’identification de plusieurs patients portant des mutations sur le gène SHANK 3 qui code une protéine d’échafaudage postsynaptique. La protéine codée par ce gène forme un complexe avec les neuroligines. Plus récemment encore, des mutations ont été identifiées dans d’autres protéines interagissant avec ce complexe protéique, incluant les gènes NRXN 18 et SHANK 29. Les neuroligines jouent un rôle majeur dans l’établissement des synapses glutamatergiques, qui fonctionnent avec le glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur présent dans le cerveau.

Outre les mutations, on constate d’autres types d’anomalies génétiques. Depuis l’avènement, il y a quelques années, des puces de génotypage à haut débit, capables d’identifier de nombreuses variations génétiques, plusieurs anomalies chromosomiques ont été mises en évidence chez les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique, notamment une variation du nombre des copies des gènes. Au lieu de porter deux copies d’un même gène (un issu de la mère, l’autre du père), les autistes portent parfois des copies surnuméraires (duplication) ou une seule copie (délétion). Les variations les plus fréquentes sont des duplications portées par le chromosome 15 (sur le locus 15q11-q13 d’origine maternelle). Quant aux délétions les plus fréquentes, elles peuvent toucher diverses régions (2q37, 1q21, 22q11 et 22q13). Michael Wigler, du Laboratoire Cold Spring Harbor, dans l’État de New York, a été le premier à identifier un excès du nombre de variations de copies de gènes (délétion ou duplication) chez des sujets issus de familles où un seul membre était atteint (dix pour cent), mais aussi chez des personnes issues de familles où plusieurs membres étaient atteints de troubles du spectre autistique (trois pour cent). Ces modifications du nombre de copies touchent essentiellement des gènes impliqués dans le fonctionnement des synapses, et dans ceux qui participent à la prolifération, la migration et la mobilité des neurones, ainsi qu’à la signalisation interneuronale.

Une anomalie génétique partagée par tous ?

Existe-t-il des anomalies génétiques partagées par tous les patients ayant un trouble du spectre autistique ? En fait, pas plus que dans les autres maladies psychiatriques de l’enfant, on n’a mis en évidence d’anomalies génétiques partagées par tous ces patients. A posteriori, cela n’est guère surprenant étant donné l’hétérogénéité clinique de ces personnes. Jusqu’au début des années 2000, on a supposé que l’on trouverait des anomalies génétiques fréquentes associées à des maladies fréquentes, jusqu’à ce que l’identification des premières mutations rares conduise à privilégier l’hypothèse qu’il y aurait surtout des variants rares associés à de multiples formes rares de la maladie.

Trois études ont été réalisées sur de larges cohortes de patients et de sujets contrôles. La première a inclus 780 familles et un groupe supplémentaire de 1 204 personnes atteintes. On a mis en évidence un lien entre les troubles du spectre autistique et la région 5p14.1 contenant les gènes Cadherin 9 et Cadherin 10, impliqués dans l’adhérence cellulaire. La deuxième, qui a inclus 1 031 familles, a montré une association avec des variations de l’ADN situé à proximité du gène Semaphorin5A18. Enfin, une troisième (1 558 patients) a retrouvé une association avec la région de l’ADN incluant le gène MACROD2. Mais aucune de ces études n’a confirmé les résultats des deux autres. Tous ces résultats, même s’ils semblent décevants, soulignent l’hétérogénéité génétique des patients ayant un trouble du spectre autistique, ainsi que la difficulté à identifier des gènes de vulnérabilité.

Des modèles cellulaires et animaux

Les résultats de la génétique ont montré que les gènes impliqués dans le fonctionnement des synapses semblent jouer un rôle dans l’autisme. L’amélioration des techniques de séquençage du génome entier devrait nous permettre de découvrir de nouveaux gènes et les voies biologiques associées aux troubles du spectre autistique. Toutefois, pour progresser plus rapidement dans la compréhension de ces troubles complexes, les chercheurs attendent beaucoup de l’étude des modèles cellulaires et animaux. Ils espèrent pouvoir étudier sur des modèles cellulaires et animaux les anomalies observées chez les patients, par exemple en obtenant des souris portant les anomalies découvertes chez les patients. Cela permettra de mieux comprendre les conséquences des anomalies génétiques décelées, de préciser le rôle de l’environnement, voire de tester l’effet de molécules à visée thérapeutique. Cliniciens, neurobiologistes et généticiens moléculaires vont continuer à coopérer pour préciser les relations entre les gènes, leurs anomalies et les manifestations cliniques chez les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique.


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